Fortement inspirée par l’univers des boucheries et par les dispositifs visuels mis en place par ces commerçants afin d’attirer les passants, Soukaina Joual interroge les images étranges, à la fois perturbantes et séduisantes qui émanent des abattoirs et des outils qui les meublent.
C’est en 2010, lors de l’Aïd el Kebir, que l’artiste prend conscience du potentiel graphique que porte la chaire.
Fascinée par les couleurs, les textures et les formes des organes, elle décide d’en exploiter les possibilités plastiques et d’en faire le point de départ de son travail.
Avec son exposition personnelle حلال / Halal, qui fait suite à une résidence de l’artiste au Cube, Soukaina Joual s’approprie les dispositifs propres aux abattoirs et aux boucheries qu’elle déjoue afin de leur donner une portée nouvelle. Par ce geste, elle amène le spectateur à réfléchir à des problématiques liées au corps, à la violence et à certains contextes politiques.
Avec l’installation حلال / Halal notamment, Soukaina Joual s’inspire d’un élément typique du paysage urbain marocain, le petit insigne à LED que les commerçants abordent dans leur devanture, sur lequel l’artiste a ici inscrit le terme Halal en français et en arabe.
Si de similaires tableaux lumineux sont courants dans plusieurs espaces géographiques, notamment en Occident, ils sont inexistants dans l’ensemble des pays constituant le monde arabe.
Par l’exposition de ce panneau au sein d’un pays musulman, Soukaina Joual réalise un ready-made qui dénonce une sur-utilisation du terme « Halal », devenu lui-même produit publicitaire et de consommation dont le sens a glissé, dans certains contextes, pour défendre des fins injustifiables.
Aussi, son projet Holy knifes comprend un ensemble de quatre couteaux sur lesquels sont gravées des déclinaisons du verbe « égorger » en langue arabe.
Par l’association des lames et des mots qui s’adressent à tous et incluent chaque individu présent ou absent, cette pièce fonctionne comme avertissement.
Telle l’épée de Damoclès, l’installation Holy knifes résonne comme une alarme, rappelant au visiteur que personne n’est à l’abris d’un possible péril.
Par ailleurs, dans The Arab World as pieces of meat, une fresque peinte directement sur les murs du Cube, le monde arabe est représenté dans la figure d’un bœuf prêt à être dépiécé. Soukaina Joual souligne ici à la fois le destin funeste auquel ces pays paraissent être destinés, mais également les possibles qui pourraient émerger de leurs associations.
Si la passivité de l’animal semble l’avoir dépossédé de sa force, il n’est reste pas moins une figure porteuse d’une multitude de potentialités.
Ainsi, à la faveur d’un ensemble de pièces aux sémantiques denses et plurielles, Soukaina Joual ne cherche pas à apporter des réponses, mais invite au contraire chaque individu à réfléchir et s’interroger sur ces problématiques complexes.
Documentation
• Dépliant de l’exposition
• Feuille de salle
Presse
• « Soukaina Joual » in Diptyk n.32
• « Halal est un mélange entre la beauté et la brutalité » par Siham Jadraoui