Henri Herré
C’était très bizarre, à mon grand âge de 60 ans et après un parcours de plus en plus hors des radars, de recevoir cette proposition.
J’ai refusé en disant n’avoir aucune idée de ce qu’est un film essai. Comme ils insistaient avec beaucoup de chaleur, je me suis finalement retrouvé là-bas, à expliquer que grâce à eux je découvrais que je faisais du film essai depuis toujours, comme le Bourgeois Gentilhomme de Molière faisait de la prose sans le savoir. Mais étant aussi bête que monsieur Jourdain je ne pouvais guère en dire plus, si ce n’est qu’on pouvait opposer les films essais aux films je sais.
Et on a regardé certains de mes films.
Il y a des courts-métrages des années 1980: 20 films brefs, Le ciel saisi, Une Fille, La défaillance des montagnes.
Deux longs-métrages Août et L’île au bout du monde.
Des petits films scientifiques pour ARTE.
Des documentaires dans le style “cinéma vérité” tournés pendant mes années d’expatrié à Boston, Varsovie et Rabat.
Villes où j’ai enseigné en école des Beaux-Arts ou d’Architecture, jusqu’à me stabiliser à Paris comme maitre de conférence à l’ENSA Paris-Val de Seine.
Depuis 2013 je filme quelques jours par an Georges Didi-Huberman à sa table de travail.
Anthropologue des images, il étudie l’effet que les images font sur les hommes. Cela à travers plus de 50 livres, de grandes expositions qui ont fait le tour du monde, et des conférences ou entretiens trouvables sur le web.
A bien des égards il a révolutionné l’histoire de l’art en parlant de Fra Angelico, Giacometti, Eisenstein, Pasolini, Godard, Hantaï, Turrell, des théoriciens Warburg, Bataille, Benjamin, Arendt, et tant d’autres.
Nous en sommes à plus de 50h de films qui seront bientôt accessibles par un site web.
En 2018, Le Cube – independent art room m’invite à faire une exposition, estimant que ces films très conviviaux et faciles d’accès sont la bonne occasion pour faire connaître au Maroc un travail aussi important que celui de Georges Didi-Huberman (…).
Nous voilà lancés dans une installation qui explorait comment créer un lieu de monstration de film en variant les supports (tablettes, écrans TV, projections), les durées (de 5mn à 4h 30), les positions du public (debout, assis, allongé).
Inoubliable expérience, dont on m’a demandé des déclinaisons en France et en Espagne m’ouvrant ainsi la voie de réalisateur d’installations, et m’amenant aujourd’hui à écrire ces lignes.”
Henri Herré