« L’idée de ce projet est née quand mon fils Qodsi a commencé à apprendre à parler.
En 2009, en les déposant, sa mère et lui, à l’aéroport Charles De Gaulle, il m’interpelle avec une question : « Papa pourquoi tu ne viens pas avec nous à Jérusalem? ». Ayant moi-même une carte d’identité de Gaza, il serait difficile pour mon fils de comprendre mon incapacité de ne jamais être en mesure de voyager avec eux.
Qoudsi, comme tous les autres enfants de son âge, est très sélectif sur le choix des jouets avec lesquels il veut jouer. Il les choisit inconsciemment pour exprimer ses pensées et ses préoccupations.
J’ai remarqué qu’il joue de plus en plus avec des jouets de transports, dans l’espoir que l’un d’entre eux pourrait nous réunir dans la maison de son grand-père à Jérusalem.
Il m’a fait plusieurs propositions, telle que prendre sa petite voiture, ou me mettre dans sa valise, ou encore, quand il a appris à faire du vélo, il voulait que je monte derrière lui. Mais, il a toujours eu une préférence pour l’avion, et lorsqu’il se trouve devant un manège, il cherche toujours l’avion pour monter dedans.
Sa recherche est sans répit, et après chaque voyage à Jérusalem, je sens qu’il est de plus en plus mature et que ses pensées deviennent plus développées.
Il vient toujours me voir avec de nouveaux jouets et de nouvelles solutions, et ses sélections changent avec le développement de sa pensée et sa croissance physique.
Grâce à l’utilisation de l’huile, la peinture acrylique et d’autres moyens, j’essaie de créer un univers composé de trois mondes: L’exil où vit l’artiste (le père), où apparaît un seul être humain le fils, représenté dans un espace surdimensionné par rapport à lui. Le deuxième monde concerne Qodsi lui-même, nous livrant ses sentiments à travers son monde et ses jouets intimes et son interaction avec eux. Le troisième monde est celui du pays (ou de la mémoire), représenté par des murs et des couches superposées comme une trace symbolique pour une vie complexe. Dans ce lieu où la réunion du père et du fils est quasi impossible. Dans cette composition de trois mondes, j’essaye de construire un monde virtuel supposé restaurer l’espace de notre rencontre.
Après chaque voyage et après chaque acquisition d’un nouveau jouet, Qodsi lui donne un nouveau rôle, avant de le déposer dans son armoire déjà remplie de moyens de transport. Avec chaque tableau nous essayons de retrouver notre monde. Qoudsi anticipe toujours notre voyage ensemble, et moi aussi jusqu’à ce qu’il puisse comprendre la réalité qui nous a été imposée par l’occupation, nous allons continuer à apprendre à voler et jouer le jeu de l’attente. »
Hani Zurob, 2010
Documentation
• Depliant de l’exposition
• Plan de l’exposition