Wiame Haddad
« Ma réflexion et ma démarche photographique tentent de mettre en miroir cette tension des corps face à eux-mêmes. Le corps adopte alors un mécanisme complexe de défense contre son propre environnement, entre pudeur et malaise. Ma présence, bien que silencieuse, devient le reflet de l’existence de ces corps.
En tentant de réunir tous les aspects d’une subjectivité traditionnelle, le propos est de dire que l’espace de la pièce fait corps avec le sujet lui-même. Pour cela je me nourris de tout ce qui met en évidence la manière dont le corps exprime une situation d’enfermement, de conflit intérieur, ou de conflit provoqué par un contexte historique ou social, me focalisant ainsi sur le corps comme signifiant du politique.
Entre Occident et Moyen-Orient, ma réflexion sur le corps ne cesse de s’écrire. Il s’agit de constater l’existence de ces corps et d’en définir le statut, l’existence et les réalités. Esthétiquement, socialement et politiquement, ma démarche photographique découle de cet intérêt que je porte à ces corps. Les personnes que je photographie sont très souvent des individus qui me sont familiers, que ce soit des inconnus ou pas.
Mes photographies portent en elles la relation entre l’individu et le lieu. Elles reposent sur une tension qui s’articule autour de ces corps et de leurs environnements. S’opère alors un équilibre fragile qui semble faire basculer l’image vers quelque chose de poétique et qui flirte sans cesse avec le politique.
Inscrire un individu dans un environnement fait certes partie de la conception de l’image, mais je reste minutieuse avec le comportement de mes sujets. L’attitude des individus que je photographie est très importante car elle conditionne la perception de mes images. Dans un silence souvent pesant, les prises de vues sont ambiguës. Je ne cherche ni à diriger mes modèles ni à les rassurer, ce qui m’intéresse c’est la manière dont les corps prennent naturellement place dans l’image et ceci même au travers d’une gêne qui se révèle présente.
La lumière naturelle qui souvent vient effleurer les visages renforce ce sentiment d’intrusion. Les lieux choisis sont minimalistes ce qui permet une plus grande concentration sur le sujet.
Mes images se révèlent peu à peu dans un espace en suspens, le temps s’arrête et les modèles sont parfois attirés vers un élément inconnu, suggéré par le hors champs, et parfois ils nous fixent droitement sans détour, comme pour nous défier. J’essaie dans mon travail photographique d’affirmer des réalités qui me semblent justifiées par un contexte social ou politique actuel. »
Wiame Haddad
Presse
• « Souvenirs du bagne » par Kenza Sefrioui in TelQuel
• « Incubateur », in Diptyk n.29
• « Ceux qui restent » interview de Wiame Haddad sur Afrique in Visu