« Venir distraire certains éléments architecturaux du grand tout.
Leur rendre leur propriété intrinsèque par un procédé de séparation de la matière.
Utiliser leur qualité de diviseur semi-perméable.
Jouer de leur structure souvent ajourée laissant au regard la possibilité de les traverser, et laisser se dessiner l’image cadrée et fantasmée sur «l’autre côté» ; colorisant ainsi de nouvelles formes découpées.
Portails, ornements architecturaux, moucharabiehs, jalousie, portent en eux une charge poétique et esthétique. Il s’agirait d’étudier, de construire et déconstruire cette dialectique entre l’objet, l’individu et le territoire. »
(Lucie Laflorentie)
L’exposition Faire inversion est le fruit d’un temps d’expérimentation et de recherches plastiques autour du ciment et de la poudre de marbre, que Lucie Laflorentie a effectué en 2019 et en 2021 entre Khemisset et en résidence au Cube à Rabat.
Le travail de Lucie Laflorentie autour de la matière et de la couleur questionne le déplacement du geste ouvrier, du paysage, mais aussi des motifs qui les constituent. Qu’ils soient organiques ou architecturaux, liés à un territoire, à l’activité humaine, à la pensée, à l’histoire ou à l’imagination.
Les pistes ouvertes pendant ses deux résidences au Cube et dans un atelier spécialisé dans le carreau de ciment à Khemisset lui permettent d’expérimenter de plus grands formats et de nouveaux motifs, pièces qui restent en corrélation avec ses travaux passés – autour de sujets comme le paysage, le milieu ouvrier et agricole, le rapport aux savoirs artisanaux.
« C’est un second volet de recherche au Maroc qui s’ouvre pour moi aujourd’hui suite à l’obtention d’une bourse AIC de la région occitane. Le projet consiste à retourner au sein de l’atelier de production à Khémisset afin d’approfondir l’apprentissage de nouvelles techniques par la récolte de matières et d’outils.
Le but étant de donner la chance à la réalisation de nouvelles œuvres dans le cadre de l’exposition Faire inversion au Cube Independent art room. Tout cela dans l’assiduité de mes investigations autour de la sculpture, de l’installation et de la représentation, par les assemblages de ciment, de poudre de marbre et de pigments.
Pour cette session de recherche, que je nomme Du territoire au déploiement de la matière, je souhaite développer les expérimentations à partir de grilles de portails, moucharabieh, ornement architectural très présent au Maroc. Ces mêmes ferronneries matérialisent souvent une sorte de frontière entre l’espace privée, intime et l’espace public. De par leur structure, ils sont souvent ajourés et laisse au regard la possibilité de les traverser. Donnant alors une image cadrée et fantasmée sur « l’autre côté » et dessinant ainsi de nouvelles formes fragmentées.
Découpés à la disqueuse, et utilisés comme diviseurs de couleurs, le projet sculptural devient pictural.
Comme un langage ambigu entre corps, outils et territoire.
Cette recherche de formes, par une mécanique d’atelier, un déplacement de geste et un travail de la matière locale, connecté au «terrain» matérialise le dessin et la mise en couleur de ces espaces intimes, fragmentés et territorialisés.
En suivant le mouvement déambulatoire des sentiers d’une ville et par extension, de ses occupants, la résonnance et la transposition à l’atelier est claire : le principe étant que tout soit ensemble, et que tout soit bien lié. »
(Lucie Laflorentie, Rabat, 2021)
« Les lieux appartiennent à une autre logique que celle de la carte; singuliers, faisant appel au temps, à la mémoire, chacun ayant son individualité propose, enveloppe de corps qui sont ceux aussi des corps de mémoire et de language, ils sont difficilement descriptible géographiquement. Leur « profondeur » qui les tient attachés à une culture plus qu’a une nature les propulse du côté de la représentation iconique, telle qu’elle s’efforce à produire un signe ressemblant.(…) »
(Anne Cauquelin , extrait de l’ouvrage Le site et le paysage, chapitre Logique de l’extension: le lieu. 2012)
L’exposition a été réalisée avec le soutien de l’Institut Français du Maroc.
Documentation
Dépliant de l’exposition