Les Interspaces, espaces intermédiaires privés, publics et politiques, sont significatifs de nos temps présents.
Nous circulons dans un enlacement globalisé d’espaces, de cultures, de réseaux, de disciplines, de théories et d’idéologies, en perpétuel mouvement. Des frontières s’estompent en permanence, des espaces intermédiaires apparaissent, glissent et se referment.
Un sentiment politique d’être à côté émerge de ces systèmes, un malaise engendré par le glissement des structures de pouvoirs hégémoniques.
La construction des discours coloniaux, par exemple, a valorisé et véhiculé des systèmes de pensées eurocentriques prétendument universels, dont nous avons tous hérité et qui continuent à perdurer. S’il parait évident qu’à l’heure actuelle, ces systèmes devraient être obsolètes, force est de constater que l’opposition binaire qui distinguent le « Nous » comme norme et idéal contre les « Autres » trouve toujours de nouveaux adeptes et nous plongent dans des systèmes toujours plus dangereux.
Ainsi, comment comprendre et vivre notre pluralité, nos formes d’existences multiples et intersectionnelles dans des structures dont le modèle est figé. Comment « l’Autre » en « Moi », ou le prétendu « Hors norme » dans la « Norme » peuvent-ils s’exprimer et être valorisés ?
Depuis plusieurs décennies, des théories culturelles contemporaines mettent en place des concepts multipolaires et non-hiérarchiques ; des stratégies interculturelles cherchent à décrire la complexité des processus d’échanges entre différentes cultures, sans jamais les simplifier. Dans notre espace interconnecté, l’importance de ces concepts n’est pas seulement théorique, mais aussi socio-politique.
Les positions artistiques présentées dans l’exposition Interspaces traitent ces problématiques en prenant en compte des contextes géographiques, linguistiques et de genre. Ils offrent des points de vue alternatifs et génèrent ainsi des champs d’action élargis :
Frontières Fluides de Katrin Ströbel & Mohammed Laouli ainsi que Max et d’autres oiseaux migratoires par Nicole Schatt, questionnent les mouvements de migrations et d’exode actuels.
Le film La Grande Safae de Randa Maroufi démontre les mécanismes de pouvoir qui exigent une définition précise de l’appartenance sexuelle. Younes Baba-Ali et Giancarlo Norese & Cesare Pietroiuisti questionnent la langue comme un outil structurant. Käthe Hager von Strobele manipule dans son travail Moiré des surfaces textiles pour créer des modèles multiples du corps. Dans Al Amakine, une cartographie des vies invisible, Abdessamad El Montassir propose une nouvelle construction de l’histoire et des cartographies à partir des récits alternatifs de sa région natale au Sud du Maroc. Avec leur installation Roses des vents Zainab Andalibe & Nicolas Kozerawski font glisser l’outil classique de la rose de vent pour en interroger l’histoire et le sens.
(au cercle de Le Cube)
Aussi, l’exposition Interspaces montre des œuvres d’artistes qui tous, travaillent avec Le Cube – independent art room.
L’espace, fondé en 2005 à Rabat par l’historienne de l’art autrichienne Elisabeth Piskernik, est aujourd’hui un lieu majeur de la scène artistique contemporaine au Maroc. Sa programmation annuelle propose et met en valeur de nombreuses positions artistiques, principalement constituées en installations, photographies, performances, vidéos et pièces sonores.
Centre d’art indépendant, Le Cube – independent art room se définit comme plateforme d’exposition, de recherche et d’expérimentation.
Le projet bilatéral Interspaces est le fruit d’une coopération avec le Kunstverein Kärnten à Klagenfürt et Le Cube – independent art room. Cette exposition souhaite, à travers les différentes positions artistiques présentées, estomper des frontières prétendument établies et utiliser les espaces intermédiaires ainsi conquis pour faire surgir de nouveaux points de vue.
« Est-il possible de remplacer davantage une image floue par une image nette ? N’est-il pas exactement cette image floue qu’il nous faut? » demandait Ludwig Wittgenstein. A cette question les commissaires de l’exposition répondent : « Probablement que oui. »
Edith Payer & Elisabeth Piskernik
Presse et documentation
• Carton d’invitation
• « Nistplatz für Zugvögel und Kunstnomades » in Kleine Zeitung