Leave No Stone Unturned [Remuer la terre] est une exposition collective, curatée par Clelia Coussonnet, qui met en relief les liens existants entre les plantes et la politique au Maroc et dans d’autres pays du Sud global, tout en rejetant l’idée d’une nature ornementale et neutre. En grattant la surface visible et en plongeant dans les interstices de l’histoire, les œuvres choisies montrent comment la flore est étroitement imbriquée dans des réseaux de pouvoir et souffre du paradoxe d’être une ressource de savoirs simultanément accessible et soumise à des processus d’invisibilité. Si l’impact humain sur les changements climatiques et environnementaux est avéré et s’impose toujours davantage dans les débats publics et scientifiques, encore peu d’institutions et d’individus explorent en profondeur les relations largement sous-estimées entre la botanique et la politique. La flore est en effet un acteur, un enjeu et un témoin de l’histoire, révélant des récits oubliés et éludés par les archives de l’histoire officielle.
À cet égard, la relation profonde entre conquête territoriale et nature durant l’impérialisme et le colonialisme est particulièrement significative. Parmi d’autres stratégies, les empires occidentaux se sont servis des expéditions naturalistes et scientifiques pour cartographier les territoires qu’ils ont ensuite dominés et exploités. Aujourd’hui encore, à l’heure de la mondialisation, la nature est imbriquée à diverses échelles dans les relations de pouvoir locales, nationales et internationales.
Dans ce cadre global, l’exposition Leave No Stone Unturned [Remuer la terre] se penche plus précisément sur les notions de résistance et de médecine naturelle approchant la flore à la fois comme allégorie de frictions politiques (de l’indépendance à l’opposition et à la diplomatie) et comme un système de signification, de connaissances et de croyances à part entière (entre utilisation, transmission et oubli de savoirs). Grâce à leurs processus de travail à long terme basés sur la recherche, les artistes inclus dans l’exposition nous permettent de relire l’histoire à travers de nouvelles perspectives.
La première salle explore les utilisations diplomatiques de la flore et explique comment la botanique a été exploitée, à titre purement symbolique, en tant que symbole national. La deuxième salle se penche sur les remèdes naturels et la médecine traditionnelle et cherche à comprendre les propriétés des plantes en relation avec le contexte culturel dans lequel elles sont inscrites. La troisième salle jette un pont entre la résistance naturelle et les traditions curatives en présentant des stratégies de jardinage radicales et en observant les mécanismes de transmission du savoir.
Leave No Stone Unturned [Remuer la terre] est la première exposition collective au Maroc qui initie des réflexions sur la nature, la politique et les structures de pouvoir, allant du Maroc à la Tunisie, en Israël/Palestine, de l’Afrique du Sud à Haïti, à la Turquie et même aux déserts. Il est essentiel d’encourager le dialogue sur la question de la flore et des systèmes de significations, en particulier dans une perspective postcoloniale et dans un échange Sud-Sud. En fouillant dans la terre, les graines et les plantes, nous découvrons une autre nature : une nature construite non seulement par ses relations avec l’homme – souvent dans la domination et l’exploitation, et également par le respect, la spiritualité et la guérison – mais qui réclame son propre pouvoir.
Clelia Coussonnet
Leave No Stone Unturned [Remuer la terre] est soutenue par l’Ambassade du Canada au Maroc, l’Ambassade de Suisse de Rabat, l’Institut Français du Maroc, London College of Communication – University of the Arts London, Office for Contemporary Art Norway et Swiss Arts Council Pro Helvetia.
Documentation
• Dépliant de l’exposition
• « Déflorer le pouvoir » by Olivier Rachet in Diptyk